Pourquoi travailler sur les mémoires corporelles
Tout le monde sait qu’un psychologue travaille sur l’histoire de l’individu. La Psychologie Biodynamique a cette particularité de le faire en réveillant les mémoires corporelles.
Que sont les mémoires corporelles ?
Quand nous parlons de mémoire, généralement nous parlons de souvenirs revenus au niveau conscient. Toutefois le corps enregistre, à tout moment, une infinité d’impressions sensorielles et corporelles qui ne sont pas conscientisées et qui agissent sur nous. Il est aussi presque impossible de se remémorer ce que nous avons vécu avant l’âge de 3 ans parce que notre hippocampe, partie centrale de notre cerveau, n’est pas encore pleinement formé. Or, il est admis que la gestation et les 3 premières années de vie, sont fondamentales dans la construction de l’individu.
La Psychologie Biodynamique s’intéresse alors à l’aspect corporel de nos mémoires car notre corps se souvient de notre histoire. Nous pouvons voir cela chez D, un patient qui ressentait fréquemment de la terreur en s’allongeant. D savait qu’il était né en 1944 à Berlin, et que les sirènes se déclenchaient presque chaque nuit. Mais il n’avait aucun souvenir émotionnel de cela. Par contre, son corps avait gardé en mémoire l’angoisse liée au fait d’être couché et, dès qu’il se retrouvait dans la même position, déclenchait un sentiment de terreur.
Les recherches en biologie montrent que chaque état psychique crée de nombreuses réactions dans le corps. Lorsque nous avons des pensées, des émotions ou des sensations, toute une batterie de manifestations physiologiques les accompagne. Notre corps fabrique des composés chimiques, telles que les hormones. Il déclenche des signaux électromagnétiques, tels que les influx nerveux. Il déplace des fluides, telles que les larmes. D’ailleurs, le fait que l’adrénaline soit appelée l’hormone du stress ou l’ocytocine, l’hormone de l’amour, montre bien cette corrélation entre l’esprit et le corps. Et ce qu’il se passe, c’est que toutes ces réactions naturelles, si elles ne sont pas perturbées, finissent par se réguler. Par contre, si ses émotions et ses états psychiques sont entravés, leur processus se bloque aussi dans le corps. Qui ne s’est pas retrouvé avec une douleur dans la poitrine parce qu’il ne pouvait pas pleurer, avec les épaules tendues en période de stress, ou le ventre noué avant de prendre la parole en public ? Notre corps emmagasine les blocages psychiques non résolus. On dit alors que la névrose est littéralement encapsulée dans le corps et cela crée des « mémoires corporelles ».
Pourquoi travailler sur les mémoires corporelles ?
Parce que notre corps est le creuset de notre existence. Sans lui, rien n’est possible. Notre corps fonctionne 24/24h. Là où l’activité consciente ne représente qu’un mince pourcentage de nos connexions neuronales, notre corps gère toutes les fonctions qui nous maintiennent en vie. Nous pouvons être parfois « absent » au volant de notre voiture, notre présence corporelle nous maintient sur la route. Nous pouvons manger, lire le journal et écouter de la musique en même temps… mais nous ne pouvons faire guère plus de 3 ou 4 activités conscientes à la fois. Notre corps lui, gère à chaque instant des milliers d’informations afin de maintenir notre homéostasie (respiration, rythme cardiaque, température, digestion, posture corporelle… etc). Notre corps est véritablement notre soutien existentiel, ses capacités sont insoupçonnées et nous pouvons y trouver les traces de notre histoire.
Et nous pensons, en Psychologie Biodynamique, qu’il n’y a pas de changement réel sans modification physiologique. Prenons par exemple une personne qui n’a jamais pu affirmer ses désirs fondamentaux parce qu’il a fallu qu’elle soit « gentille ». Elle va développer des tensions musculaires profondes afin de retenir l’expression de sa force et sûrement une mollesse superficielle afin de se rendre malléable. On trouvera alors dans son corps des muscles à la fois hypertendus en profondeur et hypotoniques en superficie. La personne aura beau comprendre son histoire, retrouver son envie d’affirmation, si le chemin réel d’affirmation d’elle même, sain et physiologique, n’est pas rouvert, cette avancée ne sera que partielle.
Réchauffer les mémoires du corps
Seulement voilà, nous avons tendance à ne plus sentir nos mâchoires tendues, nos intestins noués, nos mollets contractés. Il semblerait que le corps ait cette capacité à couper la sensation pour que cela ne soit pas trop difficile à vivre. Ainsi, il prend en charge les peines psychologiques en insensibilisant la sensation qui leur est reliée. Par la suite, il arrive fréquemment que des personnes se mettent à parler de leurs histoires de manière « détachée ». Elles ne savent plus ce que cela leur a fait ou quel est leur besoin réel. Il devient alors nécessaire de « réchauffer » les mémoires afin de les nettoyer. Une mémoire chaude est une mémoire qui redevient dynamique. La personne retrouve les émotions et les sensations corporelles, parfois mêmes les odeurs, les sons, les images qui sont liés à la situation initiale. Ce sont autant d’informations sur ce qu’il s’est passé. La Psychologie Biodynamique n’est pas intéressée par faire revivre le trauma à la personne, mais par retrouver le mouvement de vie qui a été encapsulé dans le corps. Pour cela le thérapeute Biodynamicien dispose d’une vaste palette d’outils dit « psycho-‐ corporels », tels que les massages biodynamiques, les mobilisations corporelles, la végétothérapie (écoute attentive des signes involontaires du corps), le travail avec la voix, les rêves éveillés dirigés… afin de réveiller les sensations et d’accompagner le processus qui se présente.
François Lewin et Myriam Gablier. Bio et Bien être