Cas d’école
Josiane trouve son gorille
Au cours d’une séance, Josiane, jeune femme menue, se plaint de se sentir envahie, surtout par le regard des hommes. Elle a du mal à s’affirmer, que ce soit dans les rapports hiérarchiques au travail, avec les collègues ou dans ses rapports sociaux et amicaux. Sa stratégie est de tenter de fuir ou de se cacher. Tout son corps exprime le retrait comme si elle était de trop ou qu’elle était menacée. Quelquefois, ce dysfonctionnement relationnel provoque aussi des explosions agressives incontrôlées qu’elle cherche à éviter, sans y parvenir réellement. Cette oscillation entre rétraction chronique et explosion est comme une signature négative dans sa vie. Elle ne voit pas d’issue, n’imagine aucune manière qui pourrait lui permettre de vivre différemment.
En réponse, le thérapeute travaille en massage et recherche à réveiller l’énergie rouge de Josiane, pour lui permettre d’accéder à son pouvoir d’affirmation personnelle. C’est un massage du bas vers le haut, qui vise à dénouer les microtensions dans les muscles. Par un mouvement circulaire rapide, la main va chercher les petites boules contractées pour les libérer. L’intention du thérapeute est de dialoguer avec ces contractions, les invitant à se relâcher. C’est à la fois vital, ferme et léger. Cela peut faire surgir des douleurs ponctuelles et intenses car, quelquefois, ces petites contractions sont très chargées énergétiquement. Mais dans ces compressions musculaires est retenue l’énergie de l’affirmation joyeuse de soi-même. Ce massage libère une énergie que nous appelons l’énergie du gorille. Celui-ci n’est pas agressif mais puissant, présent et fortement enraciné. Il inspire le respect par sa capacité à se défendre. Le thérapeute travaille sur les mollets, les jambes, puis les muscles du dos, qui sont des zones concernées par le fait de se tenir solidement debout. Pendant le massage Josiane ressent une chaleur et une énergie qui circule.
À la fin de la séance, lorsqu’elle s’assoit, Josiane exprime la sensation d’être bien présente. Le thérapeute la questionne sur son ressenti face aux possibilités d’agression qu’elle pourrait recevoir. Elle ne sait pas clairement répondre si quelque chose a changé en elle sur ce sujet. Le thérapeute lui propose alors une petite provocation. Il donne une poussée sur son épaule, comme pour la déstabiliser. Là, elle est stupéfaite de deux réactions inattendues: tout d’abord, elle sent une nouvelle stabilité de son corps, sans effort, comme si c’était un arbre enraciné.
En effet, sous la pression de cette impulsion, son corps n’a quasiment pas bougé. La deuxième réaction, tout aussi inattendue, est son ressenti de fermeté interne qui lui inspire une force capable de confrontation. Contrairement aux réactions agressives qu’elle avait pu avoir par le passé, elle n’a pas explosé, mais tout son corps était comme un animal prêt à réagir si on menace son territoire: elle a senti une fermeté psychologique interne, un respect de son intégrité qu’elle n’a pas trahie. Et si la confrontation avait continué, elle dit qu’elle y aurait répondu. Cette sensation émotionnelle spontanée l’a habitée avant même qu’elle réfléchisse à comment réagir. Ce travail montre combien le corps est à la base de notre présence psychologique. Retrouver sa présence enracinée permet de résister sans effort aux pressions externes.
Extrait du livre « La psychologie biodynamique. Une thérapie qui donne la parole à son corps ». Par François Lewin avec Miriam Gablier. Le courrier du livre.