Dans un groupe de formation, le thérapeute propose de démontrer comment amplifier la respiration. Karin se propose pour la démonstration. C’est une personne souriante, aux yeux aimants, grands ouverts. Elle a un corps harmonieux, lumineux, mais très gracile, comme sous-nourri. Ses bras sont très fins. Le thérapeute lui propose de s’allonger, de fermer les yeux et de se laisser ressentir comment elle respire, sans chercher à changer quoi que ce soit. Sa respiration ne se fait que dans le haut de la poitrine, à la hauteur des clavicules.

Le thérapeute pose ses mains sur le matelas à hauteur de son diaphragme, et avec deux doigts de chaque côté sous les bords du thorax il exerce une légère pression vers le haut pour inciter les côtes flottantes à respirer. La respiration de Karin descend un peu vers le ventre. Lorsque le thérapeute lui demande comment elle se sent, elle répond : « Ça m’étouffe. » Il est clair que ce n’est pas ce mouvement délicat qui invite la respiration qui étouffe Karin, mais une mémoire qui s’est activée.

Le thérapeute lui demande qui l’étouffe. Karin répond «ma mère». «Que voulez-vous lui dire?» «Va-t’en.» Cette réponse spontanée qui semble régler le problème, ne peut pourtant tenir, à terme. La solution est rarement blanche ou noire: ici, pour Karin, envahissement ou coupure. Car nous avons en nous nos ancêtres, que ce soit par les gènes ou par l’inconscient transgéné- rationnel. Pour un être humain, se couper de ses racines affaiblit grandement. Il faut trouver une manière qui permette la liberté en conservant le lien, sans qu’ils soient opposés. Le thérapeute demande à Karin quelle attitude devrait adopter sa mère pour que ce soit agréable et non étouffant pour elle. Karin explique au thérapeute qu’elle doit lui laisser de l’espace et ne pas toujours la contrôler. Le thérapeute dit: «Dites-le lui directement.

– Tu dois me laisser mon espace.
– Comment réagit-elle?
– Elle se met à distance.
– Laissez-vous sentir ce qui se passe dans votre corps. »

Alors Karin commence à écarter doucement ses bras en accompagnement de la respiration. Le thérapeute encourage ce mouvement, qui fait comme des battements d’ailes. Puis, petit à petit, dans le silence, Karin soulève ses bras et bouge ses mains dans une sorte de danse exploratoire. Ce moment dure plusieurs minutes, où tout le groupe est suspendu à l’intensité qui se dégage des mouvements de Karin. Ils prennent de l’ampleur, ses épaules deviennent mobiles. Et Karin dit, émue et souriante, tout en continuant à explorer les mouvements qui agitent ses bras jusqu’à ses doigts: «Mes mains, j’ai retrouvé mes mains.» Et soudain, elle se met à rire aux éclats, dans une joie qui se communique à tout le groupe.

Dans cet exemple, la légère modification de la respiration a fait prendre conscience à Karin combien sa vie était restreinte. À travers son expérience en régression, elle a pu à la fois imaginer un autre positionnement face à sa mère et retrouver le plaisir dans ses mains. On peut remarquer la progression qui part de la sensation d’étouffement de Karin, qui se relie à une situation bloquée de rage et de tristesse avec sa mère, puis une solution dite au thérapeute, ensuite affirmée directement à sa mère comme si elle était dans la pièce. Enfin un mouvement spontané gouverné par l’énergie libérée.

Extrait du livre « La psychologie biodynamique. Une thérapie qui donne la parole à son corps ». Par François Lewin et Miriam Gablier.  Le courrier du livre.