Cas d’école

Émilie apprend à taper du poing

Émilie, une dame proche de la retraite, a des problèmes relationnels dans l’association où elle travaille et s’est investie. C’est une femme douce, au regard tendre, qui parle avec une voix menue. Lors de sa première séance, elle parle aussi de sa périarthrite de l’épaule  gauche, qu’elle ne peut bouger qu’avec difficulté, car elle est très douloureuse. Depuis deux ans, on lui a prescrit de la cortisone, de l’acupuncture et de la mésothérapie, mais rien n’y a fait.

Le thérapeute remarque que tous ses doigts ont la même particularité: la première phalange est boudinée, puis les deux dernières sont bien plus étroites, comme si c’était des doigts différents. Bien que la raison clairement exprimée pour démarrer une thérapie soit une difficulté relationnelle dans son groupe, le thérapeute prend en compte le symptôme le plus dynamique et apparent. Le stéthoscope branché pour que le psychopéristaltisme puisse guider ses mouvements, il dirige par un travail dans l’aura de l’énergie de l’épaule vers le poignet. Puis il masse la main, et l’endroit de rétrécissement des doigts répond très fortement au niveau des bruits péristaltiques. Il continue sur trois séances et c’est alors que la douleur se déplace au poignet. Physiologiquement, ce n’est pas bien explicable. Une inflammation ne glisse pas de l’épaule vers le poignet. Mais énergétiquement, c’est très logique. En ouvrant les doigts, l’énergie peut couler de l’épaule vers la main.

La douleur étant moins forte, le problème relationnel resurgit. Émilie raconte, lors d’une séance, combien elle s’est sentie fâchée par une de ses collègues. Le thérapeute lui demande de s’allonger et de se laisser bouger comme dans une crise de rage d’enfant, qui tape des pieds et des mains. Tout à coup, une joie de faire cette rage s’empare d’elle. Le thérapeute l’encourage à laisser sortir la voix. L’épaule semble bouger librement.

La semaine suivante, Émilie déclare combien le travail a été plus simple, léger. Elle a aussi su défendre ses positions, en particulier avec cette collègue. Et elle exécute, en disant cela, le signe de taper du poing sur la table. On a là un processus fréquent en psychologie biodynamique. On ne connaît pas la solution, mais en suivant les symptômes du plus apparent au plus profond, des liens improbables se dessinent. Émilie retenait son agressivité et sa rage, montrant une douceur et une gentillesse réelles, mais se laissait utiliser sans marquer ses limites ou ses choix. Au fil du temps, le corps a débordé de cette colère retenue par son inflammation de l’épaule. Émilie a fait d’une pierre deux coups: son épaule et ses relations ont été guéries. Le stéthoscope a aussi beaucoup aidé, pour décharger sans augmenter l’inflammation des tissus.

Extrait du livre « La psychologie biodynamique. Une thérapie qui donne la parole à son corps ». Par François Lewin avec Miriam Gablier.  Le courrier du livre.