Gerda par Ebba

Gerda avec Ebba et Eva Reich, la fille de Wilhelm Reich en 1989

Gerda Boyesen, ma mère, a quitté Oslo en 1968 quand elle avait 50 ans pour aller à Londres et reprendre la clientèle londonienne du psychothérapeute renommé, le reichien Ola Raknes, étudiant et collègue de W. Reich. La Tavistok Clinic l’invite également à faire des conférences. Elle était déjà psychologue clinicienne depuis 10 ans dans l’un des plus grands hôpitaux psychiatriques, l’hôpital Dikemark, et elle était l’unique femme sachant interpréter le test Rorschach. En même temps, elle tenait son cabinet de psychothérapie reichienne. Deux jours par semaine, elle exerçait son métier de physiothérapeute dans une clinique orthopédique. Gerda était divorcée depuis quatre ans et se sentait prête à accepter le challenge qu’Ola Raknes lui pro posait. Cela tombait bien ! Dans les années autour de 1970,

Londres était une ville référente dans toutes les techniques modernes de psychothérapie. Ronald Lang, David Cooper, David Boadella et Jay Stattman étaient là. Elle a été rapidement intégrée au milieu thérapeutique de Londres qui s’intéressait particulièrement à ses recherches. Julian Huxley et A. S. Neill de la Summerhill School lui envoyèrent des clients de la haute société de Londres… un paradis pour Mona et moi !

Mona Lisa, ma soeur, est partie avec Gerda à Londres à l’âge de 23 ans. Elle y a pratiqué le massage psycho-péristaltique et le Deep Draining doux qu’elle a appris de Gerda depuis l’âge de 16 ans. Avant d’apprendre la thérapie profonde, Clover Southwell fut la première cliente de Mona Lisa qui lui fit des massages psychothérapeutiques. Clover Southwell était brillamment diplômée de Cambridge et a été une formatrice réputée en Psychologie Biodynamique.

En février 1969, je suis arrivée des Etats-Unis à Londres avec mon fils de deux ans. J’avais 25 ans. Mon frère Paul était déjà à Londres. Il a commencé ses études de médecine qu’il a abandonnées pour le théâtre Grotowski. J’ai commencé une analyse reichienne avec l’assistant de Gerda, Alec Berkan, au rythme de trois fois par semaine pendant deux ans. Et je recevais des massages d’une assistante de Gerda. Mona Lisa et moi suivions des cours particuliers avec Gerda.

Assez vite, elles nous donna le droit de pratiquer des massages autorégulateurs sur ses patients dans les inter-séances.Elle nous supervisait ensuite. Nous étions surnommées alors les « thérapeutes harmonisatrices ». Nous travaillions uniquement avec le stéthoscope pour être attentives aux sons du psychopéristaltisme. Il s’agissait d’équilibrer les sons, qu’ils ne soient ni trop « liquides » ni trop « bruyants ». Quand il n’y avait pas de son, il s’agissait de les mobiliser pour arriver à avoir de petits bruits de rivière glacée qui fond. Car ces bruits étaient le commencement d’une autorégulation. Petit à petit, nous avons intégré la végétothérapie profonde.

Plus tard, Mona Lisa développa ses techniques de massages de bio-release et moi, je développai la distribution d’énergie et le travail sur l’aura que Gerda ne faisait pas en ces temps. Gerda avait emmené de Norvège toutes ses notes dans une dizaine de valises. A partir d 1970, Mona Lisa a commencé à retranscrire ces écrits théoriques accumulés depuis 1956.

Mona Lisa a créé les termes « psychopéristaltisme » et « digestion neurologique » et plus tard, le terme de « Psychologie Biodynamique » qui a été utilisé pour la première fois en 1978. Grâce à Mona Lisa, avec le soutien de David Boadella, ces écrits ont pu être diffusés. Ce dernier a proposé de publier les premières articles de ma soeur dans son journal « Energy and Character » qui était diffusé dans tout le milieu psycho-thérapeutique international.

Le premier groupe de formation de Gerda est créé en 1972 à Marylebone High St. Je faisais partie de cette formation. Gerda était ma mère, cela ne me dérangeait pas. Je criais ma colère et j’appelais « Maman » comme tous les autres le faisaient. Respirer, pulser et pouvoir s’exprimer est une force de la Vie. J’ai fait un vœu de m’appliquer dans le travail psychothérapeutique pour arriver à une liberté intérieure pour moi et pour les autres. Ce vœu, Mona et moi l’avons gardé depuis 50 ans maintenant.

En 1973, Gerda a été invitée à Paris à la Sorbonne pour intervenir auprès des étudiants en psychologie. Un petit groupe s’est formé à Paris permettant de continuer un travail régulier en France. Petit à petit, ce groupe est devenu un groupe régulier de formation dans le Centre d’Evolution rue des Saints Pères.

The Center for Bio-Energy à Acton Park à Londres est créé en 1975. David Boadella nous suivait comme professeur en Psychologie reichienne. Clover Southwell, Michelle Quoilin et Robyn Lee ont formé un groupe d’études en 1980. Ce groupe a donné l’inspiration pour écrire de nombreux articles qui ont été une contribution importante à la Psychologie Biodynamique.

La première publication a été faite par Courtney Young du Center of Bio-Energy. C’est toute la famille Boyesen qui a développé ensemble la Psychologie Biodynamique. A partir de 1977, nous organisons un Camp d’été au Château de la Salle près de Mâcon, où se rencontrent les membres des groupes d’Angleterre, de France, de Suisse, d’Allemagne et des Pays-Bas. Le Château de La Salle à Mâcon devient notre Institut International de Psychologie Biodynamique jusqu’en 1992. En 1983, Paul s’est séparé de nous pour créer à Paris son centre en analyse psycho-organique (EFAPO). En 1987, Gerda, Marie-Christine Chancel, Christiane et François Lewin et moi-même, créons l’Institut Français Gerda Boyesen (IFGB) qui se transformera, en 1990, en l’Ecole Biodynamique Française, actuellement
basée à Montpellier.

En 1992, Mona et moi avons créé l’Ecole Européenne de Psychologie Biodynamique (ESBPE) à Lubeck en Allemagne. Gerda a continué son enseignement à Londres jusqu’à sa mort en décembre 2005. Sa dernière conférence a été en juin 2005 à Cambridge. Mélanie Klein, femme psychanalyste influente, est décédée à Londres en 1960. L’arrivée huit ans plus tard de Gerda fut une synchronicité. En tant que femme psychothérapeute et annalyste reichienne, elle a rempli à la perfection cette fonction thérapeutique féminine laissée vacante par cette disparition.

Elle souhaitait par dessus tout transmettre sa méthode biodynamique qui permet de retrouver la joie dans le corps et l’harmonie dans l’esprit. Elle l’a fait. En 2022, Gerda aurait eu 100 ans. Rendons-lui hommage.

Ebba Boyesen